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Les maisons de maîtres et châteaux

Les maisons de maîtres sont les habitations des grandes familles patronales du village. Certains contremaîtres étaient logés dans des maisons attenantes aux fabriques afin de veiller au bon fonctionnement des usines, notamment celles réalisant le moulinage du fil de soie- les moulins devaient en continuité afin de ne pas perdre la tension du fil. Les contremaîtres ou gardiens d’usines pouvaient par la même occasion surveiller les ouvrières en dortoirs. Ainsi que le bon comportement et le respect du règlement par les employé·es.
Les maisons de maîtres sont des objets de démonstration de la réussite économique, politique et sociale des grandes familles patronales dans l’espace du village. Les périodes de construction de ces maisons de maître coïncident généralement avec celles des fabriques leur étant associées. Visibles de tous, les maisons de maître - souvent accolées aux fabriques - marquent l’architecture du village et se distinguent du bâti typique des logements ouvriers de par leurs dimensions, leurs ornementations ainsi que le confort qu’elles offrent à leurs habitants. Par exemple, les maisons de maître étaient éclairées par des bougies de cire d’abeille qui étaient à cette époque un luxe, à contrario les logements ouvriers étaient éclairés au moyen de bougies de suif, de lampes à pétrole ou huile, dont l’odeur était forte et les fumées dégagées noires, imprégnant ainsi les murs des habitations. Les maisons de maître sont parmi les premières habitations à avoir été raccordées à l’électricité - qui arrive au village au début du XXème siècle - et à avoir été équipées de lampes à ampoules.
Le domaine associé à la maison de maître est délimité par un mur d’enceinte. L’entrée de ces propriétés est signalée par un portail permettant aux voitures - chevaux puis automobiles - d’accéder à une cour privée ou un parc. Il est dit dans la région que si l’on croise un cèdre du Liban, le domaine d’un patron n’est pas loin... Ces derniers ayant été implantés dans la région par les patrons à la suite de leurs voyages d’affaires ou de loisirs.
Les murs extérieurs sont souvent recouverts de crépi, signe de bonne finition permettant de s’éloigner du bâti traditionnel paysan - pierres de granit et chaux apparentes. La maison de maitre de l’usine Chez Baptiste, construite en enfilade du moulinage, illustre bien cette démarcation entre les deux espaces. Les façades, tuiles, cheminées, et gouttières des toitures portent des ornements.
Certaines maisons de maître et châteaux ont leur propre corps de ferme avec écurie, chenil, grange, jardin ou potager. Ces derniers étaient entretenus par un jardinier ou un employé de l’usine étant main-d'œuvre. L’intérieur des maisons est décoré - les murs sont peints, les plafonds sont moulurés, les escaliers, rampes et encadrements sont réalisés en boiseries sculptées. Par exemple, les boiseries de la maison de maître Perrier ont été réalisées dans l’atelier menuiserie de l’usine. Les plafonds de la maison de maitre Dussuc - Usine Sainte-Marie - sont peints, les chambres ont des plinthes et des cheminées sculptées. Les maisons de maîtres sont équipées des derniers progrès technologiques de l’époque - confort et loisirs - telles que l’eau courante, l'électricité, le téléphone, le théâtrophone... La maison de maître Dussuc possède une machine à froid dans son sous-sol. Les autres maisons de maîtres sont attenantes à la fabrique Malliquet pour la famille Dussuc, à l’usine Blanc pour la famille Blanc d’Alissac, la fabrique Saint-Joseph pour la famille Gillier, Taillis-Vert pour la famille Cellard, chez Cadet pour la famille Jamet puis Blanc...

Les maisons de maîtres sont entretenues par un·e intendant·e et/ou emploient un·e cuisinier·e - souvent un·e ouvrier·e passé·e sur les notes et la comptabilité de l’usine. Les enfants des patrons ne fréquentent que rarement l’école - privée ou publique - et sont éduqués à domicile par des instituteurs. Le village a plusieurs châteaux illustrant la réussite des familles patronales, comme le château de la Condamine, le château Gillier-Payen et le château Gillier.
Le château Gillier se situe avenue de Colombier, à la sortie du village. Le château a été construit en 1897 dans le style Art Nouveau. À l’entrée de la propriété, attenante au portail, se trouve la maison du gardien. Le château, dont la superficie dépasse 600m2 est construit sur trois étages. La demeure se compose d’une grande cuisine avec cellier, cave et buanderie, de dix chambres, salons, bureaux et salles de bains réparties au premier et deuxième étages.

Selon les plans et la visite virtuelle disponible en ligne, plusieurs salles de réception se trouvent au rez- de-chaussée, avec des verrières laissant apprécier le domaine - le verre est un matériau onéreux et rare
au XIXème siècle car obtenu par soufflage, la superficie des surfaces vitrées est souvent limitée - vitres flottées des fabriques. À l’inverse, une véranda ou verrière sera démonstratrice de richesse. Au centre, un escalier avec un garde corps en fer forgé mène aux différents espaces. Les portes et fenêtres en ogives sont le support de vitraux peints et d’enluminures. Les cheminées, de marbres et de pierres sculptées répondent aux boiseries et aux papiers peints. Le château a une tourelle en saillie, et une toiture en ardoise ornementée.
Le domaine mesure plus de 17 000m2, la cour et le jardin sont agrémentés de différentes espèces d’arbres, arbustes et massifs floraux. Le château appartenait à la famille Gillier - Ets Gillier - et a été transformé en gîte de prestige - le Domaine des Soyeux, une piscine ainsi que différents chalets ont été ajoutés au domaine - et en centre de naturopathie. La véranda d’un des salons a servi de décor pour le tournage du film Mélancolie Ouvrière. Le château est aujourd’hui à vendre, il est estimé à environ 1 600 000 €. Les chantiers mis en œuvre afin de réaliser ces aménagements et constructions nécessitent de la main-d'œuvre et différents corps de métiers - menuisier, ferronier, tourneur sur bois, jardinier. Cela permet ainsi aux patrons d’occuper les hommes pendant que les femmes travaillent dans les usines de soie en tant qu’ouvrières tisseuses, caneteuse, ourdisseuses, moulinière, enfileuse, tordeuses, pinceteuse...