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Logements ouvriers

Les bĂątiments les plus anciens du village sont construits selon les techniques paysannes, en chaux et pierres de granit - les pierres Ă©taient extraites des carriĂšres alentour comme celle de la rue Peyronnet ou celle de la Roche, chemin de Taillis-Vert, aujourd’hui disparues.
Avec le dĂ©veloppement de l’activitĂ© industrielle - extraction du plomb dans les mines puis industrie de la soie - le nombre d’ouvrier·es augmente et le problĂšme du logement se pose. L’activitĂ© ouvriĂšre marque la construction des habitations. Le centre bourg - Rue Vieille, Place de la Bascule, Grande Place et Rue du Faubourg - est occupĂ© par divers commerces, hĂŽtels et cafĂ©s.
Ainsi, les prĂ©s anciennement situĂ©s aux abords de la montĂ©e de l’avenue de Colombier, de la Rue de la Modure, du quartier PrĂ©-Martin et PrĂ©-Battoir, ainsi que Rue Peyronnet, rue de Taillis-Vert et montĂ©e de Drevard, sont amĂ©nagĂ©s en petites maisons prĂȘtes Ă  habiter. Ces habitations s’élĂšvent sur un ou deux Ă©tages, et ont une ou deux fenĂȘtres Ă  chacun de ces derniers.

Ces maisons sont construites sur le mĂȘme modĂšle: une cuisine en rez-de-chaussĂ©e avec un fourneau qui suffisait Ă  chauffer toute l’habitation et Ă  cuisiner. Le pain de seigle, principale denrĂ©e alimentaire - dont la farine provenait du meunier, notamment du Moulin du Mas - Ă©tait prĂ©parĂ© par le boulanger Ă  façon, il Ă©tait possible pour les piraillons de venir cuire certains de leurs repas dans son four. Aux Ă©tages supĂ©rieurs des maisons se trouvaient les chambres, et sous les combles, le grenier. À l’arriĂšre de la cuisine se trouvaient une cave garde-manger et le stockage du charbon. Puis, en enfilade, un petit jardin avec clapier, poulailler et potager. Certaines maisons avaient une source, sinon il fallait aller Ă  la fontaine - au faubourg, une pompe Ă  bras permettait de puiser l’eau de la riviĂšre du Ternay.

Avant l’arrivĂ©e de l’électricitĂ©, les logements ouvriers sont Ă©clairĂ©s au moyen de bougies de suif ou de lampes Ă  huile dont l’odeur Ă©tait forte et les fumĂ©es dĂ©gagĂ©es noires - les bougies de cire sont une denrĂ©e de luxe. Certaines maisons ont Ă©tĂ© rĂ©haussĂ©es suivant les besoins et l’enrichissement des propriĂ©taires.
Les patrons achĂȘtaient des immeubles et bĂątiments afin de loger leurs ouvriers en Ă©change d’un loyer.
Dans cette configuration, les logements sont sĂ©parĂ©s par Ă©tages - comme l’immeuble Corompt-Jamet situĂ© au dessus de l’épicerie de la Grande Place ou l’immeuble Gillier situĂ© rue de la Modure. Les ouvriĂšres venues de la campagne Ă©taient logĂ©es du lundi au samedi en dortoirs - usines pensionnats.

Les logements ouvriers sont souvent partagĂ©s par plusieurs gĂ©nĂ©rations d’une mĂȘme famille ou par plusieurs familles - par exemple Josette et Paul Schmelzle, avant de faire construire leur maison dans le lotissement de la Condamine dans les annĂ©es 70 - louaient une simple chambre dans un immeuble MontĂ©e de Drevard. Leur fils, Pierre, vivait avec sa grand-mĂšre et son oncle dans une maison situĂ©e Avenue de Colombier. À la sortie du travail, les repas Ă©taient partagĂ©s dans cet espace de vie commune puis Paul et Josette rejoignaient leur logement-dortoir en traversant l’avenue.
Par ailleurs, les tisseurs et tisseuses Ă  façon travaillaient dans des ateliers installĂ©s Ă  domicile. Leur espace privĂ© et leur espace de travail Ă©taient regroupĂ©s au sein d’immeubles Ă  l’architecture typique: une grande devanture vitrĂ©e, donnant sur la rue, laisse entrer un maximum de lumiĂšre dans l’atelier, gĂ©nĂ©ralement situĂ© au rez-de-chaussĂ©e.

De nombreux mĂ©tiers Ă  tisser sont installĂ©s dans ces ateliers indĂ©pendants travaillant Ă  façon. AprĂšs la seconde guerre mondiale, on dĂ©nombre plus d’une vingtaine d’unitĂ©s et de foyers Ă©quipĂ©s de quatre Ă  dix mĂ©tiers - soit plus de cent mĂ©tiers rĂ©partis sur le village.

visiter un logement ouvrier

Usines pensionnats et dortoirs

Étant donnĂ© le nombre important d’ouvriĂšres venues des campagnes et des fermes alentours, n’habitant pas le village, il Ă©tait nĂ©cessaire pour les fabriques de prĂ©voir des dortoirs afin de loger leurs ouvriĂšres la semaine - du lundi au samedi. Le lundi matin, un car, dĂ©pĂȘchĂ© par les patrons, effectuait le ramassage des ouvriĂšres rentrĂ©es dans leurs familles le dimanche.
Les usines pensionnats sont Ă©quipĂ©es de cuisines - avec un grand fourneau -permettant aux ouvriĂšres de faire cuire leurs aliments. Dans certaines fabriques, un·e cuisinier·e prĂ©parait une soupe collective servie au rĂ©fectoire. Les fabriques, dont certaines possĂ©daient ferme et grange, avaient des espaces de stockage pour les denrĂ©es alimentaires - telles que les caves dans lesquelles Ă©taient entreposĂ©es des dames-jeanne d’huile, de lait et des sacs de farine. Les ouvriĂšres en pension ramenaient des provisions le lundi matin qu’elles pouvaient stocker dans un placard individuel situĂ© dans la cuisine ou prĂšs de leur lit au sein du dortoir. Le pain, dont la farine provient du meunier - Moulin du Mas - Ă©tait prĂ©parĂ© par le boulanger Ă  façon. La tourte au pain de seigle pouvait se conserver une semaine et constituait une part importante de l’alimentation des ouvrier·es et habitant·es du village.

À la suite de la seconde guerre mondiale, avec le dĂ©veloppement du transport individuelle et du service de cars, les dortoirs sont de moins en moins utilisĂ©s. Contrairement Ă  d’autres Ă©tablissements de la rĂ©gion, il ne semble pas que des religieuses aient Ă©tĂ© employĂ©es Ă  la surveillance des ouvriĂšres. Cependant, certaines usines - telle que l’usine Perrier - avait un gardien logĂ© au sein de la fabrique. Les employé·es ayant le rĂŽle de surveillant des mƓurs Ă©taient souvent assignĂ©s Ă  la prĂ©paration des repas. Les maisons de maitre et de contremaitres Ă©taient d’ailleurs construites en enfilade ou proche des fabriques. Le rythme de vie des ouvriĂšres Ă©tait marquĂ© par une emprise forte de la religion, encourageant bonne conduite et reconnaissance envers les patrons et l’église. Les ouvrier·es se rendaient Ă  la messe matin et soir. L’activitĂ© des derniers dortoirs a cessĂ© dans les annĂ©es 1950.
À l’usine, le travail Ă©tait effectuĂ© sous le regard de la “surveillante gĂ©nĂ©rale” - vierge Marie, Sainte-ThĂ©rĂšse - la prĂ©sence d’autels au sein des dortoirs et des salles des fabriques rappelaient aux ouvrier·es leur devoir.