Dans les brumes /Carnet de Terrain
9 janvier 2022, Ă  Saint-Julien-Molin-Molette.
Friche haut-standing

AprÚs inspection de leur page facebook, je contacte Sébastien Fenet et Amandine Simonnot par téléphone, sans réponse, par sms, sans réponse, via facebook.

Sur leur page, une note introductive: «Lieu de tissage de liens. Cette page est crĂ©Ă©e pour vous tenir informĂ© de l’avancement du projet», et comme lĂ©gende «Lieu de spectacles et de tenue d’évĂ©nements». La page est active depuis l’étĂ© 2019. Une centaine d’abonnĂ©s.
Et des photos, rendant compte des travaux au fil des mois: la dĂ©molition du pan de mur du moulinage Cellard raccordant le terrain au parking de l’ancienne boucherie et de la chaufferie. La restauration de la maison de maĂźtre, de la cour, de la buanderie, des vitres et des canaux et des Ă©vĂ©nements organisĂ©s (installation lumineuse sur les fenĂȘtres de l’usine, dĂ©cors floraux en matĂ©riaux rĂ©cupĂ©rĂ©s, expositions photo, tournage de clips, vente de vĂȘtements...). La crĂ©ation d’un sentier piĂ©tonnier par la municipalitĂ© sur le chemin Peyronnet du Bas.

Un post du 24 juillet 2019, détaille le projet:
«MĂȘme si ça fait deux ans que nous planchons sur cette nouvelle aventure, nous avons officiellement dĂ©marrĂ© le projet ces derniĂšres semaines. Pour les petits curieux pas encore au courant, nous avons l’envie de rĂ©habiliter une ancienne usine de tissage (et quelques dĂ©pendances et ruines) afin de crĂ©er deux salles de rĂ©ception, une cuisine pro du feu de dieu ^^, une salle de concert/danse, un studio d’enregistrement, un atelier d’artiste, un joli gĂźte de soixante personnes et quelques appartements de fonction pour les aventuriers ou «usinards» en herbe. Pour le moment nous amĂ©nageons une ancienne maison pouvant vous accueillir d’ici quelques semaines, pour venir gratter, peindre, glander, vous balader, dĂ©guster de la bonne biĂšre locale, jouer Ă  des jeux de sociĂ©tĂ©, nous encourager durant nos journĂ©es de travaux... Bref une belle aventure qui commence, Ă  partager avec tous ceux qui le souhaitent! A trĂšs vite!»

Le 18 novembre 2019:
«DĂ©mĂ©nagement – Partie 2,
GrĂące au camion bien rempli, les gars n’ont pas senti les tempĂ©ratures locales ^^ Nous vous prĂ©parons un nid douillet pour la nouvelle annĂ©e... Si vous avez envie de venir vous geler quelques heures ou jours avec nous, nous serons ravis de vous recevoir dans la maison de maĂźtre appelĂ©e «Matin Bleu», voisine de l’Usine Sainte-Marie. Nous avons plein de projets manuels pour vous rĂ©chauffer le cƓur: nettoyage, enduit, peinture, isolation, placo, elec, plomberie, fabrication de meuble, marteau piqueur...
Dans un premier temps nous remettons un petit coup de jeune Ă  cette belle maison dans son jus (et on est poli ^^) pour pouvoir ensuite s’attaquer au grand projet de la rĂ©habilitation de l’usine en un lieu culturel, Ă©vĂšnementiel et touristique. A suivre...»

À la suite, des invitations Ă  venir participer au chantier de rĂ©habilitation de l’usine, commentĂ©es par des personnes extĂ©rieures au village:

Le 18 mars 2020:
«A l’usine, nous profitons de cette pause pour dĂ©sherber les extĂ©rieurs abandonnĂ©s depuis des annĂ©es, continuer Ă  rafraĂźchir l’ancienne maison de maĂźtre pour mieux vous accueillir d’ici quelques semaines... Au fil du Ternay, la vie est douce Ă  l’Usine Sainte Marie Ă  Saint Julien Molin Molette... Prenez soin de vous!»

Le 5 juillet 2020:
«L’équipe de l’usine n’a pas chĂŽmĂ© ce week-end... Reconnaissance de l’ancien canal et dĂ©blayage.
Si vous avez envie de participer Ă  nos aventures, n’hĂ©sitez pas! Une chambre vous attend ainsi que pleins de produits locaux dĂ©licieux. Au programme cet Ă©tĂ©: dĂ©chetterie Ă  gogo, pose d’osb, changement de carreaux, dĂ©sherbage et nettoyage. Bel Ă©tĂ© Ă  tous!»

«C’est parti pour une premiĂšre sĂ©ance de chantier participatif Ă  partir de jeudi: nettoyage et remise Ă  neuf des quelques 400 carreaux cassĂ©s. Tu veux apprendre Ă  mastiquer? On te parle pas que de dĂ©guster lentement les trĂ©sors culinaires locaux mais d’apprendre Ă  poser du mastic Ă  l’ancienne, en pension complĂšte! Ahh on voit dĂ©jĂ  tes yeux pĂ©tiller đŸ€Ș si tu prĂ©fĂšres jouer au baby-sitter pour libĂ©rer un ou plusieurs travailleurs, c’est possible aussi! Si tu prĂ©fĂšres gĂ©rer de la logistique comme la dĂ©chetterie, fais toi plaisir! 😁😎💖 Douce nuit et merci pour la photo matinale.»

«AprĂšs avoir terminĂ© la rĂ©paration des vitres de la rotonde et de la forge qui sera prochainement une cuisine professionnelle, nous attaquons les 120 carreaux de la grande salle de rĂ©ception. Premier carreau changĂ©... Le premier d’une longue aventure...»

Puis des posts plus trash pour les habitant·es du village, likés par les extérieurs au village:
«On passe aux choses sérieuses / Démolition 1.0»
«Démolition 2.0»

Sur les photos, des bĂątiments en cours de dĂ©molition, une tractopelle donnant des coups dans les murs jusqu’à effondrement. Je dĂ©cide d’aller voir sur place s’il reste des traces des anciens bĂątiments ou s’ils ont complĂštement disparu.


Lorsque l’on remonte le village vers l’Alimentation gĂ©nĂ©rale et la maison de retraite, on se retrouve Ă  surplomber l’ancien Parc Dussuc, nouvellement renommĂ© Parc de l’École. Plusieurs grands arbres parsĂšment une pelouse entretenue par la municipalitĂ©, des petits chemins de gravillon rose offrent une alternative Ă  la route de la rue Entre Deux Ages sans trottoir qui descend vers l’École. Des installations artistiques, rĂ©alisĂ©es en tronçons de bois et des bancs verts ponctuent la descente. En descendant vers l’usine, le brouhaha de la cascade s’élĂšve. Un pont en bĂ©ton solidarise les deux rives maçonnĂ©es de la riviĂšre. Les pierres sont recouvertes de lierre sauvage, et, en contrebas, un canal de dĂ©charge laisse s’échapper le trop plein d’eau provenant des canaux alimentant en eau les roues des usines en amont – depuis le pont Neuf: usine Perrier, usine Cellard – dĂ©truite – puis l’usine Sainte-Marie et le Moulin du Mas.
Sur la rive opposĂ©e au parc, le bĂątiment imposant et biscornu de Sainte-Marie. Le toit de tuiles rouges est surplombĂ© d’une grande cheminĂ©e portant Ă  son sommet des initiales. La toiture s’étalonne et vient recouvrir une rotonde. Un chemin de terre contourne l’ensemble. En le suivant depuis ma rive, j’arrive Ă  un second pont menant Ă  l’ancien bĂątiment des Bonbons de Saint-Julien. Sur ma gauche, Ă  demi au-dessus de l’eau, un bĂątiment carrĂ© aux fenĂȘtres bouchĂ©es par des planches de bois ayant pris l’humiditĂ©. C’est l’ancien labo photo du patron Auguste Corompt. En face, surplombant l’usine Sainte-Marie, l’usine Perrier, son mur d’enceinte et sa cour, son monte-charge rouillĂ©, figĂ© entre deux Ă©tages.

Traversée du parc, la musique dans les oreilles.

J’entre sur la propriĂ©tĂ© privĂ©e de l’usine Sainte-Marie, les barriĂšres qui empĂȘchaient l’accĂšs quelques mois plus tĂŽt ont Ă©tĂ© retirĂ©es ouvrant l'accĂšs Ă  un jardin, un Ă©rable du Japon au milieu d’une pelouse, des outils de chantier, une camionnette, personne dans l’usine. À droite, sous le mur sĂ©parant l’ancienne propriĂ©tĂ© Dussuc et le jardin de la maison de maitre Perrier, un bĂątiment linĂ©aire Ă  l’aspect de grange.

Quand j’étais enfant, ce dernier bĂątiment accueillait, derriĂšre de grandes portes de bois coulissantes, l’atelier de la potiĂšre du village. L’étĂ© des cĂ©ramiques tournĂ©es sĂ©chaient au soleil. Dans l’atelier, les Ă©tagĂšres croulaient sous les saladiers, bols, pichets et assiettes aux Ă©maux mouchetĂ©s de bleus pĂ©troles et verts lichen. On repartait toujours avec quelque chose, si bien qu’à la maison les objets portant sa griffe remplissent toujours les placards et sortent lors des occasions spĂ©ciales.
Perpendiculaire au bùtiment, une terrasse en béton.

Au fond de la cour, en remontant vers la rue Peyronnet, la maison de maĂźtre et ses dĂ©pendances, Ă©curies, route et portail. Un camion de pompier, Ă©chelle dĂ©ployĂ©e, est stationnĂ©. «Le propriĂ©taire l’a achetĂ©, il a sorti l’échelle et a jamais rĂ©ussi Ă  la replier, ça fait des annĂ©es. Il passe plus le portail!» m’avait indiquĂ© Delphine dont l’habitation se situe juste au-dessus.

Un homme bricole, «C’est vous SĂ©bastien?». Il rigole, m’indique la maison juste derriĂšre moi. Lui habite en face, l’immeuble en continuitĂ© de l’usine Perrier – l’ancien corps de ferme Dussuc, donnant sur la Rue de la Condamine. En face, la maison semble dĂ©serte. Je dĂ©cide de rentrer. Au sommet du terrain, le portail menant Ă  la rue Peyronnet est fermĂ©, je retourne sur mes pas en direction du croisement de la Rue Neuve et du Faubourg.

En rentrant, j’ai une rĂ©ponse Ă  mon sms. Amandine me rĂ©pond que «SĂ©bastien travaille sur Lyon la semaine mais sera lĂ  samedi», il me propose de venir visiter l’usine vers 14h.