20 novembre 2021, Ă Saint-Julien-Molin-Molette.
PremiĂšre rĂ©union avec lâassociation Patrimoine Piraillon.
Ă la suite de ma rencontre avec Hubert Sage, jâai Ă©tĂ© conviĂ©e Ă la rĂ©union de lâAssociation Patrimoine Piraillon, association pour la sauvegarde de la mĂ©moire du village fondĂ©e en 2010, suite Ă la parution de lâouvrage Saint-Julien-Molin-Molette et son patrimoine liĂ© Ă lâindustrie Textile. Lâassociation porte le nom des 1200 habitant·es du village, les Piraillons et Piraillonnes.
La rĂ©union de lâAssociation est programmĂ©e samedi, Ă 14h30, pour permettre aux membres nâhabitant plus le village de rejoindre SJMM. De mon cĂŽtĂ©, je pars le vendredi matin de Paris, du matĂ©riel de captation audio, photo et vidĂ©o dans mon sac.
Le lendemain matin, Ă 11h jâarrive Ă SJMM, le village est englouti par les nuages et la brume, la lumiĂšre est grise et diffuse. Il fait froid. Par terre, un peu de givre.
Ă la maison, jâouvre les volets, allume le chauffage et ressors. Je passe Ă
la Boucherie,
place de la Bascule, et Ă
la Boulangerie, dans la Grande Rue, je ne croise personne dans les rues. Je rentre, mange, vérifie une derniÚre fois les batteries et la carte mémoire de mon enregistreur, charge mon sac et repars.
RDV au 5
Montée des Fabriques a indiqué Hubert Sage dans son mail.
Je suis partie en avance, un peu tendue, jâĂ©coute de la musique Ă fond dans mes Ă©couteurs. Pour rallonger le trajet, je prends le sentier piĂ©ton rĂ©cemment amĂ©nagĂ© par
la nouvelle Mairie sur la rive de
la riviÚre opposée à celle de
la maison. Le pont menant au sentier - situé juste derriÚre le jardin de la maison - a transformé la rue Pré-Chapelle, auparavant réservée aux riverains et peu fréquentée, en passage clé du parcours des écoliers, promeneurs et habitants préférant
la riviĂšre au trafic routier
des rues principales pour se rendre dans le centre du village. Le sentier longe
la riviĂšre vers
le PrĂ©-Martin. Des tables de pique-nique et des cabanons ont Ă©tĂ© disposĂ©s dans lâherbe haute quâon ne coupe plus pour prĂ©server la flore.
Je passe
le jardin potager et arrive au
multisport, deux enfants jouent au ping-pong, on les distingue Ă peine dans la brume, la balle rebondit. Je remonte le chemin de gravillons beiges jusquâĂ la route goudronnĂ©e de
la rue PrĂ©-Battoir. ArrivĂ©e au croisement entre le camping, lâancienne
Fabrique Malliquet et la rue du quartier Pré-Battoir, je décide de suivre
les canaux par
le chemin des Usines. Au niveau de
lâĂ©cluse, un plan dessinĂ© Ă la main prĂ©sente les usines situĂ©es le long du chemin: lâOrangerie,
Sainte-Julie et
Sainte-Marthe. Jâavance. Les caravanes de lâassociation
lâEssaim de Julie, garĂ©es depuis des annĂ©es le long du chemin, paraissent minuscules accolĂ©es aux Ă©pais murs de pierres des anciennes manufactures. La condensation sâest formĂ©e sur les grandes baies vitrĂ©es, lâeau ruisselle en sillons sur le verre des
fenĂȘtres cathĂ©drales. La passerelle, reliant les bĂątiments Ă lâusine Chirol, semble portĂ©e par le brouillard. Ă ma droite, en contrebas, un vestige de
lâusine Blanc-Ligue, rĂ©habilitĂ© en logement. Au carrefour du chemin des Usines et de
la montĂ©e des Fabriques, lâusine Ă Bois ou
usine Blanc. Je suis bientĂŽt arrivĂ©e. Je marche lentement, calme ma respiration. De la musique Ă©mane de lâusine Blanc - usine qui a abritĂ© la Brasserie du Pilat Ă ses dĂ©buts, avant quâelle sâagrandisse et dĂ©mĂ©nage dans un bĂątiment neuf, dans
la Zone Artisanale Ă lâentrĂ©e du village - il y a une braderie de vĂȘtements dâhiver Ă prix libre. Dans la montĂ©e des Fabriques, je passe devant
lâusine Saint-Victor, qui surplombe
le chemin Anne Sylvestre. Plus haut, dans un jardin grillagĂ©, des canards peuplent un Ă©tang artificiel dont les bĂąches de retenue dâeau dĂ©bordent sur les rives. Au bout, le portail de
la maison dâHubert Sage, flanquĂ© de sculptures en tĂŽle (un garde et un cheval cabrĂ©? Don Quichotte?). Je suis souvent passĂ©e devant cette maison, des fois des cagettes de coings apparaissent devant le portail avec un Ă©criteau «servez-vous». Le chien, un gros berger allemand, se tapit dans les buissons et gronde Ă chaque passage.
Il est 14h35, je sonne Ă un interphone ultra-moderne encastrĂ© dans la pierre, sous une traditionnelle sonnette Ă cloche. Une coquille Saint-Jacques est sertie dans le mur, signe adressĂ© aux pĂšlerins faisant le chemin de Compostelle. La camĂ©ra sâallume, jâentends plusieurs voix, la femme dâHubert, Denise Sage, vient mâouvrir, elle a attachĂ© le chien. On grimpe vers la maison. Jâaccroche mon manteau et rejoins la table de rĂ©union dans le salon. Treize personnes sont assises autour.
Une chaise mâattend, Ă droite dâHubert Sage. La table est recouverte dâune nappe Ă fleurs glossy. Hubert Sage tient dans ses mains lâordre du jour. Devant lui, plusieurs dossiers et une loupe de lecture. Au plafond, les poutres de chĂȘne sombre sont entrecoupĂ©es de bandes de papier peints floraux. Les dossiers des fauteuils en molleton rouge exposent des napperons de dentelles blanches. Aux murs, des photos de famille encadrĂ©es, des dessins des petits-enfants, des bibelots. Une peau de renard sous un vase fleuri,
une dame-jeanne, qui servait autrefois Ă conserver les provisions des foyers, transformĂ©e en lampe par lâajout dâun abat-jour.
Raclement de gorge.
La réunion commence, on fait un tour de table,
les membres de lâassociation se prĂ©sentent les uns aprĂšs les autres.
«Ăa marche par couple.» me glisse Hubert. «Ăa fait longtemps quâon nâa pas Ă©tĂ© aussi nombreuxâŠce sont les chaises de la cuisine.», prĂ©cise Denise, en dĂ©marrant sa prise de notes. Je suis lâintruse, autour de moi les cheveux sont blancs. Tous les membres de lâassociation ont entre 60 et 75 ans, tous portent les traces du temps sur leurs visages. Les mains ridĂ©es portent des bijoux signant une vie bien remplie - mariage, hĂ©ritage, armureries familiales - et un certain niveau social, plutĂŽt bourgeois. Les boutades sur la mort et les questions sur la santĂ© vont bon train, on parle des absents, «il est lĂ©gume presque, il peut plus bouger» «il a fait installer un monte-personne». Un deuxiĂšme intrus Ă cette rĂ©union, Jean-Pierre Huguet, Ă©diteur, est Ă lâautre bout de la table. Sa maison dâĂ©dition est installĂ©e dans
lâancien moulinage Chez Baptiste Ă lâentrĂ©e du Chemin Anne Sylvestre, cĂŽtĂ© prĂ©-Battoir. Avec dâautres artistes, il possĂšde une partie de
lâusine Sainte-Marthe et lâassociation du Mur du Fond. ArrivĂ© dans les annĂ©es 70-80, il fait partie de la nouvelle gĂ©nĂ©ration du village, celle qui a rachetĂ© les usines pour produire de la culture. Il semble pressĂ© mais bienveillant. Ă peine assis, il sort des documents dâune mallette de cuir marron. Il est lâobjet de lâordre du jour numĂ©ro 1.
Je suis le numéro 2. On me demande «Tu es la petite fille de Guy» «La petite niÚce de
Josette» «La fille du fils ainé de
Jacqueline» «La petite-fille du frĂšre de Josette». Je suis gĂȘnĂ©e.
Hubert Sage annonce les excusés «Martine et René Jacquemetton, Jérome Dumas, (...) Camille Benecchi - ce samedi elle travaille pour de la restauration de piÚces de musée.».
Camille Benecchi est une nouvelle arrivante au village, une jeune. Depuis un an, elle habite une des maisons voisines de la nÎtre, en haut de la rue Pré-Chapelle, derriÚre
la Mairie.
Jean-Marc et Ăliane Bancel mâont dĂ©jĂ parlĂ© un peu dâelle, depuis son arrivĂ©e, elle est trĂšs active dans le village.
Un tour de table rapide, dans le sens des aiguilles dâune montre:
«Jean Mazzoni, parents avec les Peyrachon par
les Jamets, beaux-parents de celui qui allait monter les métiers,
un Oriol. Jâhabite
la maison de maitre du Pré-Battoir.».
«Jean-Louis et Ghylaine Contamine, petits-enfants
des Dussuc-Corompt», en face de moi, lâarriĂšre-petite-fille dâAuguste Corompt,
un patron. Il y a une photo de lui dans les vitrines de
lâancienne boutique Mathevet - avenue des Ateliers en face de
lâĂglise et de la Place Bancel.
Dans la vitrine, lâexposition retrace la construction du
Parc Dussuc, de la piste Ă©questre, et du
labo photo au-dessus de
la riviĂšre, en face de
lâusine Sainte-Marie.
«Jeannine Oriol, Piraillonne de souche, et son mari Christian-Dany Baas adopté par le village. On habite à 50m de chez Josette, dans
le lotissement du Parc du Soleil,
quartier de la Condamine. Christian ça fait quand mĂȘme 70 ans quâil connait St-Julien.».
Au tour de Jean-Pierre Huguet «Je suis pas du tout de St-Julien, je viens de Paris, mais ça fait quelques annĂ©es, de 76 Ă maintenant, que je suis ici. Jâai
ma maison dâĂ©dition â au sein de lâancienne usine Chez Baptiste - et jâorganise des Ă©vĂ©nements culturels et associatifs,
des expositions, des concerts et des rĂ©sidences, avec lâassociation Le mur du Fond Ă
lâusine Sainte-Marthe.»
Marie-Jo Ferrando prend la suite «Je ne suis pas nĂ©e Ă St-Julien-Molin-Molette mais je suis comme Christian, jâai adoptĂ© St-Julien. Je suis arrivĂ©e quand jâavais 11 ans, ça fait donc 70 ans pile cette annĂ©e que je connais le village !».
Gilles Chassagnon «On est nés à Saint-Julien, à la Condamine, on passait tous les étés chez la grand-mÚre à cÎté de
lâusine Sainte-Marie, dans
la maison de maitre, celle qui a été rachetée par
un jeune couple récemment.» .
Francois Perrier et sa femme clĂŽturent le tour de table «Francois Perrier, je suis nĂ© Ă St-Julien-Molin-Molette, et jây ai toujours
une maison,
rue Peyronnet. Mes parents Ă©taient propriĂ©taires de lâusine Perrier que Josette a reprise avec son mari en 69, et quâelle a tenue jusquâen 2003. Maintenant, jâhabite Caluire, vers Lyon. Je viens de temps en temps ici, Ă lâoccasion. Et puis, mon Ă©pouse, elle nâest pas Piraillonne sauf par adoption.»
Hubert Sage reprend la parole:
«On a fait le tour, bon ! Ordre du jour, on commence par Jean-Pierre Huguet.
On a travaillé pendant quatre ans sur
un livre Saint-Julien-Molin-Molette et son patrimoine liĂ© Ă lâindustrie textile, tirĂ© Ă un certain nombre dâexemplaires, et il nây en a plus. Il y a la possibilitĂ© de rĂ©-Ă©diter.»
Jean-Pierre Huguet:
«On avait tiré 500 exemplaires. Je viens de faire un partenariat avec
le Parc du Pilat pour faire des livres autour des patrimoines industriels prĂ©sents au sein du Pilat. Donc lâannonce de cette collaboration se fera dans quelques jours et lâidĂ©e est de mettre en avant la rĂ©Ă©dition du livre Ă cette occasion. Je suis lĂ pour avoir votre aval quant au lancement dâune rĂ©Ă©dition Ă 500 exemplaires, avec un budget de 7256 euros. Ăa fait 14 euros de fabrication, puis chez le libraire y a 33% de TVA, ça enlĂšve 11 euros. Ă chaque fois quâon vend un livre, il y a 12 euros pour lâassociation.»
Jean-Louis Contamine:
«Si on le rĂ©-Ă©dite il est possible de rajouter certaines choses, de complĂ©ter de dâautres choses quâon a vu depuis?»
Hubert Sage:
«On a des rajouts qui vont modifier le livre mais on peut aussi les Ă©diter sur le site internet. Et Ă©diter des carnets complĂ©mentaires au livre. On doit se contenter de corrections. Par exemple, quand on a Ă©crit le livre jâavais deux petits-enfants et Ă lâinstant donnĂ© jâen ai trois. Il faut aussi indiquerlâannĂ©e de naissance et annĂ©e de dĂ©cĂšs de Jean Badole, un des auteurs. Pour ce qui est des gros complĂ©ments, on va faire des cahiers sur le site pour montrer quâon Ă©toffe le livre.»
Ding Ding Ding, lâhorloge sonne.
Jean-Louis Contamine:
«Jâaurais aimĂ© quâon ajoute le jeu de lâoie autour de Saint-Julien dans le livre.»
AussitĂŽt les commentaires fusent.
«Le jeu de lâoie peut permettre aux plus jeunes de sâintĂ©resser.» «Et les oies alors comment on les donne» «Tout le monde a bien des pions Ă la maison» «Ils mettront des dĂ©s.»
Jean-Pierre Huguet:
«Peut-ĂȘtre quâil est important de le mettre en complĂ©ment. On peut lâintĂ©grer sur la page blanche en couverture.»
Ding ding ding.
Hubert Sage:
«La question des droits dâauteur se pose, cet ouvrage nous a permis de nous regrouper en association. Est ce quâon le re-publie au nom de lâassociation ou pas? Sachant que ce sont les auteurs dâorigine qui Ă©ditent.»
Volée de remarques. Je perds le fil.
«Ăa nous a soudĂ© pour continuer.» «Les auteurs dâorigine sont connus, lâAssociation pas vraiment.»
«Lâassociation doit continuer, lâargent doit revenir Ă lâassociation pour la pĂ©renniser.»
«Lâancienne Mairie nâa mĂȘme pas achetĂ© dâouvrages.»
Jean-Louis Contamine:
«Il risque de nous rester un bon paquet de livres sur les bras. Ă part les habitants⊠Saint-Julien ça nâintĂ©resse pas le monde. Il en sort des bouquins rĂ©guliĂšrement, sur des patelins, sans aucun intĂ©rĂȘt, de jolies photographies mais sans caractĂšre historique. Notre livre est une archive locale. Mais câest Saint-Julien... Tâarriveras jamais Ă vendre 500 ouvrages de plus.»
Jean-Pierre Huguet:
«
La nouvelle Mairie pourrait aider. Jâai aussi une aide du
Parc du Pilat de 250 euros. LâintĂ©rĂȘt de participer au partenariat avec le Parc, câest que lâouvrage bĂ©nĂ©ficiera de relais de diffusion des livres. Câest un outil.
Câest un beau livre, ça le ferait connaĂźtre sur tout le territoire du Parc, hors de Saint-Julien, grĂące au Parc lâinformation va entrer dans tous les foyers.»
Jean-Louis Contamine:
«Faut baisser le prix, trente-huit euros, câest cher. Faut pas dĂ©passer trente-cinq euros, surtout en rĂ©Ă©dition.»
Ding Ding Ding.
Les stratĂ©gies politiques pour lâobtention de subventions se mettent en place:
«Si on peut ajouter une subvention de la Mairie et des dĂ©putĂ©s, faudrait pas sâen priver.», «Faut faire des dossiers pour ça.», «La Mairie donne au moins le budget de fonctionnement de lâassociation, mais on peut avoir des subventions exceptionnelles. Ăa peut pousser la Mairie Ă acheter plus de livres, et supporter une association locale et un Ă©diteur local qui touchent directement le village.», «Si la Maire fait une prĂ©face câest sĂ»r quâon aurait des financements. Ăa lâengage.», «On peut demander au Parc et aux villes portes du Pilat comme Saint-Ătienne et
Annonay, mais pour le financement par la rĂ©gion, dĂšs que ça touche le patrimoine câest exclu, surtout si lâon nâest pas historien.», «Si on demande une subvention exceptionnelle Ă la Mairie pour le livre, on en n'aura pas dâautre cette annĂ©e.», «Il y a des associations qui touchent des subventions et des aides assez grandes, lâĂ©quipe de foot.», «Mais enfin ! LâĂ©quipe de foot, ils sont beaucoup plus nombreux, et puis il y a le terrain Ă entretenir. Il y a au moins 3 ou 4 Ă©quipes, 50 personnes !», «Faut pas rĂȘver ils les vendra pas ces exemplaires.».
Jean-Pierre Huguet:
«Ce qui est signĂ© - avec le Parc - câest une collection sur le patrimoine industriel sur plusieurs communes.
Le MusĂ©e des Tresses et Lacets sera le prochain numĂ©ro. Lâoutil de la rĂ©gion, câest un maillage. Il y a ce rĂ©seau, il y a le site, il faut alimenter toutes les sources de communication. Il y a 500 000 personnes qui viennent faire du tourisme dans le Pilat chaque annĂ©e, je nâai jamais eu une publicitĂ© pareille.
Jâai aussi huit travaux dâĂ©lĂšves architectes de Saint-Ătienne et Ă©tudiants de lâENS de Lyon qui sont passĂ©s dans le Pilat lors de la rĂ©sidence Atelier des Territoires Ruraux ĂphĂ©mĂšres. Ils ont rĂ©alisĂ© des documents sur la revitalisation du centre-bourg. Ce sont des points de vue critique sur le paysage. Câest important que les deux projets partent maintenant. Ăa va interpeller les gens qui sont en rĂ©flexion sur lâavenir de leur activitĂ©, beaucoup veulent faire des choses trĂšs modernes dans le Pilat. Il y a encore des industries textiles, comme
les Tissages Blanc qui font du tissu technique⊠pour la NASA. Cet Ă©vĂ©nement permettra de faire se rencontrer ces personnes qui sâintĂ©ressent au patrimoine.»
Jean-Pierre Huguet clĂŽt le dĂ©bat et sâĂ©clipse, laissant la dĂ©cision finale Ă lâassociation. En partant, il me dit que nous nous recroiserons.
François Perrier:
«Ce sont les auteurs qui donnent leur accord Ă la rĂ©Ă©dition car les droits sont aux auteurs. La majoritĂ© est Ă 7. On vote, levez vos mains si vous ĂȘtes pour la rĂ©Ă©dition.»
Les mains se lĂšvent timidement.
«Câest bon.»
Ding Ding Ding.
Hubert Sage reprend la parole:
«Donc le deuxiĂšme point câest Camille, qui va rapidement se prĂ©senter et nous dire le pourquoi de sa prĂ©sence...».
Hubert Sage sonne les trois coups avec sa loupe sur la table, lâassemblĂ©e pouffe, se tourne vers moi...
Jâexplique ma recherche autour du savoir-faire textile et mon besoin de rencontrer et collecter des tĂ©moignages, anecdotes, archives et objets liĂ©s Ă ce dernier et Ă lâhistoire du territoire... Les rĂ©actions sont mitigĂ©es, chacun me donne une anecdote rapide, mais beaucoup nâont pas vraiment connu
les tissages. Le livre de lâassociation est la principale rĂ©fĂ©rence thĂ©orique citĂ©e.
Soudain, Marie-Jo sâexclame «Jâai une amie,
Yvette-Vincent, qui Ă©tait
tordeuse chez
Josette, je vais la contacter pour lui demander si elle est partante ! Donne-moi un mail.».
Sur le bord de la table, Jean-François Perrier est bougon, ne réagit pas, sa femme insiste «Tu dois bien avoir quelque chose à lui donner à la petite, prends son mail.».
Jean Mazzoni me dit que mon arriÚre-grand-pÚre, cÎté Oriol, était
tisseur à façon,
rue de la Modure. Et que mon autre arriĂšre-grand-pĂšre Ă©tait paysan-boulanger.
Quelques jours plus tard, Jean Mazzoni me recontactera par mail et mâinvitera Ă venir chez lui pour voir des documents dâarchives trĂšs rares. Un mail bizarre, je suis dans lâentre deux, mĂ©fiance et curiositĂ©:
«Bonjour Camille, je suis trĂšs heureux dâavoir fait votre connaissance et dâavoir eu des nouvelles de votre grand-mĂšre. Je connaissais naturellement Josette, la sĆur de votre grand-pĂšre avec qui jâentretenais de solides liens dâamitiĂ©. Jâai dix petits-enfants dont cinq sont majeurs et sont dans lâenseignement supĂ©rieur. Jâai donc lâhabitude dâavoir des questions sur des travaux divers, il mâest mĂȘme arrivĂ© de siĂ©ger dans plusieurs jurys. Câest donc avec un rĂ©el plaisir que je vous propose une rencontre chez moi pour tenter de rĂ©pondre Ă vos interrogations et vous faire partager ma passion pour tout ce qui touche Ă Saint-Julien, au Pilat, et Ă lâindustrie textileâŠÂ».
Ă lâopposĂ© de ce mail quelque peu incongru, un second son de cloche entendu lors des commĂ©rages de fin de rĂ©union de lâassociation Patrimoine Piraillon sâĂ©lĂšve: «Jean Mazzoni a empruntĂ© des archives Ă la Mairie qui ne sont jamais rĂ©apparu.», «Câest un fauteur de trouble opportuniste, il cherche toujours Ă se placer.», «Il ne donne rien sâil nâa rien en Ă©change.», «Les parties du livre Saint-Julien-Molin-Molette et son patrimoine liĂ© Ă lâindustrie textile quâil a signĂ© sont en rĂ©alitĂ© des plagiats.» ⊠Je me renseigne:
Pierre, le fils de Josette nâa pas connaissance des «solides liens dâamitié» entre Josette et Jean Mazzoni.
Ma réponse au mail traßnera.
Bien plus tard, le 14 Janvier, je le recroiserai par écrans interposés, en visio avec
le Parc, lors de la mise en place des captations de savoir-faire textile du Pilat. TrĂšs vite lors de la rĂ©union, il se dĂ©voilera peu instruit sur le savoir-faire textile et sera Ă©vincĂ© du projet au profit de lâAssociation Patrimoine Piraillon. En Mai, je recevrai un second mail: «Bonjour, jâespĂšre que tu te portes bien. Serait-il possible de te parler par e-mail en toute discrĂ©tion? Jean.». Finalement, je ne rĂ©pondrai pas.
Ding Ding Ding.
Jean-Louis Contamine me demande si, en tant que designer, je serais capable de réaliser
un blason pour lâassociation.
Le dernier point de la rĂ©union est un dĂ©bat Ă propos de lâachat, par lâassociation, de la maquette de
la machine Ă vapeur de
lâusine Sainte-Marie. Cette piĂšce fait partie de la collection dâobjets anciens de Jean-Louis Contamine, il souhaite la vendre pour plusieurs centaines dâeuros, il a dĂ©jĂ un acheteur, un ingĂ©nieur-collectionneur quelque part en France, mais propose un prix pour lâassociation afin que la piĂšce reste sur le territoire. La maquette est dans le coffre de sa voiture, tous les membres sortent la regarder, la dĂ©couvrent. «Elle irait bien dans un parcours explicatif des fabriques.» Les contres ripostent «On nâa pas de locaux pour lâassociation donc encore moins de place pour le stockage. Et toutes
les machines des usines ont été démontées, on ne peut pas recréer la chaßne de fabrication
des tissus de soie⊠il nây aura jamais de musĂ©e autour de ce patrimoine au village.». «Elle pourrait ĂȘtre exposĂ©e Ă la Mairie ou dans
le lavoir.» «Câest trop cher, lâassociation a dâautres projets comme
lâĂ©glise, les dĂ©cors, le cimetiĂšreâŠÂ».
LâhĂ©sitation est palpable, entre envie, regret et lassitude. Un vote Ă main levĂ©e.
Le non lâemporte. Le coffre se referme et la maquette repart vers Lyon. La rĂ©union se clĂŽture.